La retraite? Quelle retraite?

Un bel article rédigé par M. Gilbert Leduc du journal Le Soleil!

À l’aube de la cinquantaine, Dominique Lizotte commence à préparer sa retraite. Non pas en mettant la pédale douce, mais plutôt en appuyant à fond sur l’accélérateur.

Avec Steve Fortier, il vient de fonder une entreprise de transformation du métal en feuille à Montmagny. Optimétal 360 fabrique des pièces en acier, en acier inoxydable et en aluminium pour des clients industriels comme Rousseau Métal, Amisco, Premier Tech et Teknion Roy & Breton.

«Optimétal 360, c’est ma préparation à la retraite. Mon projet de retraite. Moi, je veux rester actif longtemps. Je me dis que tant et aussi longtemps que je serai capable d’aller à la shop, je vais y aller. Ça va me rendre heureux. Ça va m’occuper», raconte l’homme qui dit avoir réalisé un vieux rêve en devenant entrepreneur.

«Être le patron. Prendre les décisions. C’est le summum! C’est là où j’ai toujours voulu arriver. Ça m’a juste pris 49 ans pour atteindre mon but!»

En affaires depuis quelques mois à peine, Optimétal roule à fond la caisse. Trois personnes y gagnent leur croûte. Un quart de travail de soir a été ajouté. «Nous répondons à un besoin. Il n’y avait pas d’usine de transformation du métal en feuille à Montmagny.»

Au rythme où vont les affaires, Dominique Lizotte peut donc espérer exercer son métier d’entrepreneur encore bien longtemps. Sa retraite ne sera surtout pas ennuyante. Comme il l’entrevoit.

À moins qu’il ne décide de prendre un autre virage et de s’en mettre encore plus sur les épaules.

Entrepreneur-enseignant-étudiant

Car, voyez-vous, Dominique Lizotte est aussi enseignant au Centre de formation professionnelle L’Envolée à Montmagny. Avec son partenaire d’affaires Steve Fortier, il a conçu de A à Z le programme de formation en tôlerie en précision.

Il a aussi fondé Lizotech, un cabinet spécialisé en formation en entreprise.

De plus, il complète actuellement un baccalauréat en enseignement professionnel au campus de Lévis de l’Université du Québec à Rimouski.

Et pour être certain de ne pas s’ennuyer, il est inscrit à une formation en lancement d’entreprise.

«Je m’entraîne et je joue au hockey le lundi soir», ajoute cet hyperactif qui aura 50 ans le 31 mars prochain.

Dominique Lizotte raconte à quoi ressemble sa journée typique.

«Je rentre à la shop, le matin, vers 5h. À 8h, je me pointe à l’école pour enseigner à mes élèves. Le midi, je retourne à l’usine pour voir si tout se passe bien. Je reprends ensuite le chemin de l’école pour finalement revenir à la shop en fin d’après-midi. Hier soir, par exemple, j’ai terminé ma journée de travail à 22h.»

Et il y a les études avec tout ça.

«J’ai passé mon examen de français dimanche dernier», fait remarquer Dominique Lizotte, qui a déjà accompli les deux tiers de sa formation menant au baccalauréat.

Bourreau de travail

Ce rythme d’enfer n’a rien de nouveau pour l’entrepreneur-enseignant-étudiant.

«Enfant puis adolescent, je n’aimais pas l’école. Je n’ai pas fini mon secondaire 4. Ce n’est qu’une trentaine d’années plus tard que je suis retourné sur les bancs d’école pour terminer mon secondaire et faire mes études au cégep.»

Jeune homme, il quitte la région de L’Islet pour aller gagner sa vie à Montréal.

Il déniche un boulot dans une entreprise de transformation de métal en feuille où il apprend sur le tas le métier de soudeur-assembleur.

«Pendant une certaine période, je travaillais en même temps pour trois employeurs différents. Je me tapais des journées de travail de 14 ou 15 heures; et la fin de semaine je faisais des jobbines. Je réparais des balcons en fer forgé, j’ouvrais ou je fermais des piscines, je montais des abris d’auto temporaires.»

Au début des années 90, le père de famille revient s’établir à Montmagny. Il travaille pour Produits métalliques Roy pendant une quinzaine d’années avant d’accepter l’invitation de la Commission scolaire de la Côte-du-Sud de devenir enseignant en formation professionnelle.

Dominique Lizotte ne peut s’empêcher de pouffer de rire lorsqu’on lui demande ce qui le motive à rouler un tel train d’enfer alors que la cinquantaine cogne à la porte.

«C’est une bonne question; moi, je suis toujours à la recherche de nouveaux défis. Je ne pense pas que l’âge soit un facteur dans ça. J’aime enseigner, mais, à un moment donné, j’avais le goût d’autre chose. C’est là que l’opportunité de fonder une entreprise s’est offerte.»

Trop peu d’oiseaux rares

Dominique Lizotte est un oiseau rare.

Selon l’indice entrepreneurial québécois 2016 publié par la Fondation de l’entrepreneurship, à peine 9,5 % des personnes âgées de 50 à 64 ans envisagent de se lancer un jour en affaires ou de créer une nouvelle entreprise. Dans l’ensemble de la population adulte, ce pourcentage est de 21 %.

Le taux des 50 à 64 ans qui passent à l’action et qui entreprennent des démarches pour se lancer en affaires est de 5,3 %; il est de 9,8 % pour ce qui est de l’ensemble de la population adulte québécoise.

Des données qui ne surprennent pas Tony Gingras, coordonnateur au mentorat d’affaires au sein de l’organisme Chaudière-Appalaches économique.

«Même les gens de 50 à 64 ans qui sont déjà propriétaires d’une entreprise sont réticents à en démarrer une autre. Leur réflexion porte davantage sur la façon dont ils vont assurer le transfert de leur compagnie.»

M. Gingras fait aussi remarquer qu’il n’existe pratiquement pas de programmes gouvernementaux ou autres pour encourager les personnes de 50 ans et plus à faire le saut dans le monde des affaires.

«Les programmes sont d’abord et avant tout conçus pour la clientèle des 18 à 35 ans.»

Pourtant, selon M. Gingras, il y aurait des avantages à inciter un peu plus les plus «vieux» à démarrer leur entreprise.

«Ils ont de l’expérience, de la sagesse; en deux mots, ils ont vu neiger. Et, contrairement aux plus jeunes, ils sont en mesure d’apporter une bonne mise de fonds», indique Tony Gingras en ajoutant que les gens plus vieux qui se lancent en affaires sont souvent animés par une détermination sans bornes. «Pour eux, il s’agit de la réalisation d’un rêve, celui de devenir, enfin, leur propre patron.»

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